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Le blog qui propose une analyse approfondie sur la politique congolaise, africaine et mondiale. Ce blog s'adresse à tous ceux qui souhaitent avoir une idée précise sur ce qu'il se passe dans notre planète.

Sassou NGuesso et le droit constitutionnel comparé

Publié le 3 Août 2014 par Didier MOUEGNI IVOLO in Article

Sassou  NGuesso et le droit constitutionnel comparé

Par

Didier MOUEGNI IVOLO

Master degree en politique internationale

Université Fudan

Shanghai – Chine

Une fois de plus, j’appelle le président Denis Sassou Nguesso à ne plus parler n’importe comment et de faire confiance aux cadres congolais qui ont étudié pour l’aider à comprendre le monde, la politique et l’économie, au lieu de persister dans les intrigues, la manipulation, la brutalité… et au final la bêtise lorsqu’il s’exprime dans la presse internationale.

Chacune de ses interventions engage non seulement sa personne, mais aussi la crédibilité du pays dont il est le président.

L’opinion internationale juge la capacité des Congolais à régler leurs problèmes ainsi que ceux des autres voisins comme la Centrafrique aujourd’hui au travers les compétences de leur président, puisqu’il est sensé être « le primo inter paresse » (le premier des égos).

Or, très souvent lorsque Denis Sassou Nguesso parle, il mélange tout, confond tout et au final nul ne sait de quoi il parle.

Parti aux USA pour assister au sommet USA-Afrique qui se déroule du 5 au 6 août 2014 à l’invitation de Barack Obama, Denis Sassou Nguesso répondait aux questions sur RFI. Il fait l’éloge du président Obama qui souhaite travailler main dans la main avec l’Afrique. Mais Obama a toujours été clair dans sa volonté de travailler avec les pays africains qui respectent les droits de l’homme et la démocratie. Or, la plus part des chefs d’Etat ne le font pas. D’autre part, le gouvernement Obama est contre les modifications des constitutions pour maintenir au pouvoir les mêmes personnes pendant longtemps. Obama lui-même a largement expliqué les conséquences pour un pays lorsque la même personne reste longtemps au pouvoir. Denis Sassou Nguesso verra lui-même ce qu’il dira à Obama à ce propos.

Si j’écris cet article, c’est parce que dans cette interview, Sassou Nguesso a fait preuve de nullité dans l’analyse et la compréhension des constitutions comparées. Pas étonnant qu’il veule déjà changer celle du Congo qui ne date que de douze ans. A la question du journaliste de RFI à savoir que pense-t-il de la position d’Obama qui refuse les modifications des constitutions en Afrique et souhaite-t-il toujours le faire au Congo ? Sassou Nguesso affirme que c’est la volonté du peuple, ce qui est faux et il le sait.

Pour frauder lors du référendum (s’il opte pour cette voie) et faire croire que le peuple a choisi, il falsifie les chiffres de la répartition démographique du Congo-Brazzaville, faisant croire que le nord du pays (20% de la population jusque-là) est maintenant plus peuplé que le sud (80% jusque-là). Poursuivant son analyse, Sassou Nguesso dit que le nombre de mandats n’est pas un problème au Congo. Il prend l’exemple de l’Allemagne de Merkel. Pour lui, Merkel a fait plus de deux mandats, elle aura peut-être un quatrième mandat. Il ajoute que Jean- Claude Juncker est resté premier ministre luxembourgeois pendant très longtemps. Il conclut que Merkel et Juncker étant toujours élus, ayant toujours la confiance de leurs peuples, ont continué de diriger leurs pays.

En affirmant cela, Sassou Nguesso a commis une grave erreur d’interprétation du droit constitutionnel comparé. En effet, dans le droit constitutionnel au Congo comme en France, le président est élu au suffrage universel direct. C’est-à-dire un homme (ou une femme en âge de voter) une voix, et est élu président de la république le candidat qui au premier ou au second tour obtient plus de 50% des voix.

Cependant, tous les pays, y compris les grandes démocraties comme les USA, le Canada, le Japon, la Grande Bretagne, l’Italie, la France et donc l’Allemagne et le Luxembourg n’ont pas forcément le même système électoral. En Allemagne, le peuple élit les députés du Bundestag. Ces derniers élisent le premier ministre (le Chancelier) sur proposition du président fédéral. Le mandat du Chancelier dure quatre comme celui du Bundestag.

Il en va de même du Grand-Duché de Luxemburg. Au lendemain des élections législatives, le Grand-Duc nomme le premier.

Là où Sassou Nguesso fait erreur, c’est que dans ces deux pays, il n’y a pas pour le poste de premier ministre et de Chancelier, d’élection au suffrage universel direct. Chaque candidat doit réunir sur son nom le plus grand nombre de parlementaires. Ce qui revient à dire que lorsque les électeurs votent dans ces deux pays, ils votent pour des parlementaires et non pour la chancelière Merkel ou pour Juncker. Et il arrive que les électeurs votent pour un candidat du parti de la Chancelière juste pour les compétences du candidat et son efficacité sur le plan local, alors même que les mêmes électeurs ne voteraient pas pour Merkel dans un suffrage universel direct. Les choses sont plus compliquées que la simplicité à laquelle nous invite Sassou Nguesso. Et d’ailleurs, dans ce système, un parti qui a un bon bilan reste longtemps au pouvoir. Et si au milieu du mandat la cote de popularité du premier ministre où du Chancelier baisse, le parti peut lui demander de se désister au profil d’une étoile montante du parti.

Le meilleur exemple a été entre Tony Blair et Gordon Brown. Pour éviter un échec du parti travailliste (Labour Party), Blair est parti deux ans plutôt et a laissé la place à Brown (il est devenu premier ministre britannique) alors son ministre des finances car ce dernier avait plus de chance de faire gagner le parti que Blair. Malheureusement cela n’a pas fonctionné. Si Brown a été un bon ministre des finances, il s’est révélé moyen comme premier ministre.

Il a été battu par David Cameron.

Comme vous pouvez le constaté, une fois de plus, je rappelle à Denis Sassou Nguesso le rôle, les fonctions, l’intérêt, les bénéfices d’avoir des compatriotes bien formés, intelligents, compétents…

L’université Marien Ngouabi, peu importe le département, a des bons, des très bons professeurs. Je suis moi-même le fruit de l’école publique congolaise et de l’université Marien Ngouabi, mais je ne comprends pas comment nos hommes politiques détestent cette université, la laisse tomber en désuétude et font preuve d’amateurisme et de approximation dans les discours et dans la gestion des affaires de l’Etat. Plus que le commun des mortels, les politiques au Congo-Brazzaville et en Afrique devraient se former, se former et se former. Ils doivent être à la page du savoir, de la connaissance et dans le même temps faire de sortes que chaque domaine de savoir au Congo soit aussi à la page.

C’est comme ça que l’on devient crédible vis-à-vis des autres, vis-à-vis du monde.

Je pense que le Congo-Brazzaville mérite mieux.

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